La rupture conventionnelle est un classique du droit du travail Français et permet à un salarié de procéder à une rupture du contrat de travail à l’amiable. Concrètement, cela signifie pour l’entreprise qu’elle se sépare de son employé en échange d’indemnités qui lui sont versées à la fois sur une base légale et au fur et à mesure des négociations entamées entre les deux partis.
Néanmoins, la rupture conventionnelle comprend aussi bien d’éléments de textes de lois que de règles informelles. Les négociations, notamment, représentent un moment crucial qui permettent d’aller au-delà du cadre fixé par la loi, permettant au salarié d’obtenir davantage de la part de son entreprise.
Vous souhaitez connaître le montant de vos indemnités pour rupture conventionnelle ? N’hésitez pas à consulter notre article sur le calcul des indemnités de rupture conventionnelle du contrat de travail pour en savoir plus.
Sommaire
Les grands principes de la rupture conventionnelle
Avant de nous plonger dans la technicité même du sujet, il est important de comprendre en quoi consiste la rupture conventionnelle, et pourquoi elle est autant plébiscitée à la fois par les employeurs et par les salariés désirant partir sans rien obtenir.
Qu’est-ce que la rupture conventionnelle ?
A l’inverse de l’abandon de poste qui, lui, n’a pas de processus légal spécifique , la rupture conventionnelle est spécifiquement reconnue par le Code du Travail, notamment aux articles L. 1237-11 et suivants. Cela implique donc l’existence d’une procédure administrative qu’il faut respecter, et sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir davantage plus bas. Dans les faits, la rupture conventionnelle d’un contrat de travail en CDI consiste en un licenciement à l’amiable, mais dans les textes, ce n’est ni une démission, ni un licenciement.
A noter que depuis la réforme du Code du Travail en 2017, il est désormais possible à la fois pour les employeurs et les salariés de procéder à une rupture conventionnelle collective suivant les mêmes modalités que la rupture classique.
Pourquoi demander une rupture conventionnelle à l’employeur ? Les avantages
Aussi bien pour l’entreprise que pour le salarié, la rupture conventionnelle est un moyen de fin de contrat présentant des avantages certains.
Le salarié, notamment :
- Touche des indemnités, fixées par un seuil légal ou conventionnel (fonction des conventions collectives).
- Peut prétendre aux allocations chômage, ce à quoi il n’aurait pas droit avec une démission.
L’entreprise, quant à elle :
- Évite les nombreuses lourdeurs administratives que provoque un licenciement, notamment au regard des motifs acceptés par le Code du Travail, et diminue les risques d’un tournant judiciaire aux Prud’hommes par exemple.
- Peut libérer la place d’un salarié pour embaucher à nouveau, si elle le désire.
Les conditions pour une rupture conventionnelle en CDI
Au contraire du licenciement, l’administration ne se soucie pas des motifs menant à une rupture conventionnelle étant donné que celle-ci est négociée par l’entreprise et le salarié. En général, les motifs les plus courants concernent les relations professionnelles (entre collègues, avec la direction), les missions et la rémunération (placardisation, revenus trop faibles), réorientation personnelle ou professionnelle (reprise de formations dans un autre champ professionnel).
Toutefois, si les motifs n’ont pas à être validés par l’administration, cela n’empêche que quelques (maigres) conditions existent pour pouvoir prétendre à la demande de rupture. En particulier :
- La demande de rupture et la rupture à l’amiable ne peuvent intervenir que dans le cadre fixé par la rupture conventionnelle : aucun autre accord ne peut être conclu en-dehors des conditions fixées par ce concept du droit du travail (arrêt n’11-22251 de la Cour de Cassation, 2014).
- La rupture conventionnelle ne peut concerner que les salariés en CDI. S’il existe des alternatives spécifiques pour les CDD, une telle rupture n’est donc pas possible.
- Le consentement doit être libre : ni l’entreprise ni le salarié doivent faire l’objet d’une pression, comme le harcèlement, visant à conclure la signature de l’accord, qui le rendrait alors immédiatement caduque.
- Spécial « entreprise en difficultés » : la rupture conventionnelle est autorisée, mais ne doit pas se substituer aux plans de sauvegarde de l’emploi obligatoires.
Comment fonctionne une rupture conventionnelle ? Les étapes majeures de la procédure
Vous l’aurez compris, la rupture conventionnelle vient donc avec un certain nombre de procédés et de procédures à respecter pour faire les choses dans les règles de l’art. Cela évite également que vous partiez sur une mauvaise base pour les négociations, que l’accord soit ensuite contesté aux Prud’hommes, ou encore qu’il soit invalidé par l’administration.
Pas de panique néanmoins : les étapes sont simples à suivre, car le cadre légal fixant la rupture conventionnelle n’est pas très développé. Il vous suffit de suivre les 4 étapes suivantes !
1-La proposition officielle
Comment demander une rupture conventionnelle de votre contrat de travail ? La chose est simple : vous pouvez effectuer une demande orale ou écrite. Bien qu’il n’y ait pas d’importance à faire un choix entre l’un ou l’autre, il est toujours préférable de passer par l’écrit, simplement pour conserver une trace en cas de contestation ou de problèmes à l’avenir dans la procédure. Pour cela, vous pouvez simplement vous référer à une lettre-type que vous adresserez directement à votre employeur.
A noter que, contrairement à la croyance populaire, la proposition peut être formulée aussi bien par l’employeur que par le salarié.
2-L’entretien préalable et obligatoire
La rupture du contrat de travail à l’amiable, même si elle se dessine au fur et à mesure des négociations, reste un concept clair pour les deux partis : si salarié comme entreprise sont ouverts à la possibilité d’une rupture conventionnelle, alors le salarié sera convoqué à un ou plusieurs entretiens préalables. Ce ou ces premier(s) entretien(s) viseront à définir les modalités de mise en œuvre de la rupture de contrat. A noter que la date du premier entretien devra apparaître noir sur blanc sur le formulaire d’homologation (voir plus bas), ou pourra être considéré comme nul. A cet égard, salarié ou entreprise pourra invoquer la nullité de l’accord aux Prud’hommes si l’espace réservé venait à rester blanc, car cela signifiera qu’aucun entretien n’a officiellement eu lieu (arrêt n°15-21609 de la Cour de Cassation, 2016).
Les modalités de l’entretien en lui-même ne sont pas fixées par la loi, mais quelques possibilités sont prévues par la jurisprudence. Ainsi, le salarié a le droit à la représentation par un conseiller, qui peut également être son supérieur hiérarchique du salarié (arrêt n°215 de la Cour de Cassation, 2014). L’entreprise peut elle aussi bénéficier d’une telle représentation, mais seulement si l’employé lui-même est déjà représenté. L’employeur peut alors notamment se faire assister d’un délégué syndical d’entreprise pour les entreprises de moins de 50 salariés.
3-La négociation des indemnités et des clauses
Il s’agit d’un point crucial dans la mise en place de la rupture conventionnelle. Pour le salarié comme pour l’entreprise, c’est en effet le moment de négocier le montant des indemnités pour rupture de contrat de travail à l’amiable ainsi que les clauses d’une telle rupture. C’est donc le cœur de tout le processus, et il est important d’y être préparé. Pour savoir comment obtenir une rupture conventionnelle intéressante, il est toujours utile de se renseigner sur les minimums légaux auxquels on peut prétendre fonction de la législation ou des conventions collectives. Néanmoins, sachez qu’elles ne font que fixer un minimum, et que cela ne vous empêche pas par la suite de demander davantage que ce que vous pouvez obtenir. Attention toutefois à vous montrer réaliste sur la marge de manœuvre dont vous disposez ; à cet égard, votre poste actuel, votre rémunération et votre ancienneté représentent des atouts importants dans les négociations. Veillez à vous en servir !
En-dehors de la question des indemnités se pose également celle des clauses, pour lesquelles le champ des possibles s’étend largement. Vous pourrez en effet négocier une date future de départ de l’entreprise (utile si, par exemple, vous avez déjà trouvé un autre travail mais que celui-ci ne commence pas tout de suite), des indemnités spécifiques à la clause de non-concurrence, la possibilité de bénéficier pendant un temps déterminé de la mutuelle d’entreprise, d’obtenir un financement pour une formation… N’hésitez pas à prendre conseil autour de vous et à vous renseigner plus largement, si possible, sur les pratiques passées au sein de votre entreprise concernant les ruptures conventionnelles. Cela vous donnera l’occasion de vous faire un avis plus objectif et réaliste sur votre marge de manœuvre, à nouveau.
4-Acceptation ou refus
Une fois les négociations terminées (si elles se terminent), la conclusion de l’accord peut se solder par un refus ou par un accord.
Dans le cas du refus, celle-ci doit être notifiée à la partie adverse, préférablement via une lettre de refus de rupture conventionnelle ; à noter que le salarié devra être libre de refuser un tel dispositif sans pour autant craindre de sanctions disciplinaires au sein de l’entreprise. Inversement, l’entreprise est libre de refuser une rupture conventionnelle et n’a pas à en justifier les motifs ; dans ce cas, le salarié souhaitant tout de même partir devra choisir entre la démission ou l’abandon de poste. A ce titre, si vous êtes tenté par l’abandon de poste, consultez notre article dédié pour en connaître les opportunités, les risques et les alternatives associés !
Si la RC est acceptée à la fois par le salarié et par l’entreprise, en revanche, alors il est temps de l’officialiser ! Pour tout comprendre à ce dédale parfois compliqué d’étapes administratives, suivez simplement notre petit guide ci-dessous.
L’officialisation de la rupture conventionnelle
Maintenant que la rupture conventionnelle a été acceptée par les deux parties, il est temps de l’officialiser légalement au cours de l’étape nommée « homologation ».
Celle-ci est cruciale, car elle permettra d’officialiser votre départ au sein de l’administration. Plus largement, il s’agit d’un document de référence légal, qui donne à chacun une base utile en cas de contestation aux Prud’hommes.
Mentions légales, formulaire type et services en ligne
On le disait, au contraire du licenciement, la rupture conventionnelle n’a pas à voir ses motifs validés ; ceux-ci ne doivent donc pas apparaître dans les mentions obligatoires du contrat à l’amiable. En revanche, toutes les autres modalités doivent formellement apparaître, qu’elles résultent aussi bien des entretiens ou des négociations : date de fin du contrat, clauses diverses et variées, montant des indemnités…
Afin de transmettre toutes les informations à l’administration, il est possible pour l’employeur de procéder de trois manières. Dans tous les cas, celles-ci restent toujours à son initiative exclusivement :
- Le papier libre. Celui-ci est encore accepté par l’administration ; il présente toutefois des risques si jamais certaines mentions ne sont pas claires, ou si les modalités ne sont pas correctement indiquées. Il présente également le risque d’oubli de mentions ou d’informations. Un exemple ici
- Le formulaire-type CERFA. C’est le moyen le plus courant pour transmettre toutes les informations nécessaires à l’administration, car celui-ci vous rappelle tout ce qu’il est nécessaire d’indiquer. L’employeur doit simplement se rendre sur le site du CERFA pour y télécharger ledit document : « formulaire d’homologation de la rupture conventionnelle ».
- TéléRC : la rupture conventionnelle à distance. L’administration se met aussi au numérique, et il est donc possible de passer directement en ligne pour procéder à l’homologation grâce au service TéléRC. La saisie se déroule alors en 4 étapes distinctes : coordonnées (employeur et salarié), indemnités de rupture conventionnelle, déroulement de l’entretien et négociations, et validation de la convention de rupture. Celui-ci devra ensuite être imprimé, signé puis envoyé au service indiqué une fois le délai de rétractation dépassé (voir plus bas pour en connaître la durée).
Les formalités : exemplaires, signatures, cas des salariés protégés
Il est important, comme toujours quand on traite avec l’administration et la loi, de respecter quelques formalités importantes. Premièrement, les exemplaires : ceux-ci doivent être disponibles en trois copies avec répartition égale entre l’entreprise, le salarié et la Direccte, le service administratif chargé de l’homologation (entre autres). Cette formalité est cruciale ; effectivement, la Cour de Cassation a déjà eu l’occasion de reconnaître que si l’une des parties n’a pas eu accès audit exemplaire, alors il pourra en contester la légalité devant les Prud’hommes (arrêt n°11-27000 de la Cour de Cassation, 2013).
Deuxièmement, il est temps de procéder aux signatures. Il est préférable que celle indiquée par l’employeur et celle indiqué par le salarié soient identiques, car le cas échéant, c’est la signature la plus tardive qui déterminera le délai de rétraction (voir plus bas). A noter par ailleurs qu’une signature n’empêche pas la non-validation de la rupture à l’amiable du contrat ; à cet égard, la cour d’appel de Paris statuait en 2016 qu’un salarié pouvait être licencié pour faute lourde, même s’il était en instance d’homologation pour rupture conventionnelle (arrêt n°13/02186, 2016).
Enfin, concernant les salariés protégés, ceux-ci sont bien autorisés à effectuer une demande de rupture conventionnelle au même titre que les autres employés ; toutefois, du fait de leur statut, ladite rupture doit également être visée et acceptée par l’Inspection du travail sous 15 jours après envoi de l’exemplaire à la Direccte.
L’homologation par l’administration et le délai de rétractation
Tant que le délai de rétraction ne sera pas épuisé, l’administration ne pourra homologuer ledit document ; celui-ci est fixé à 15 jours à compter de la signature de la RC. Ces 15 jours comptent également les samedi et dimanche, bien que dans certains cas, il puisse être prolongé au jour ouvrable suivant si le délai de rétractation se termine en week-end ou durant un jour férié. A noter que la rétractation peut intervenir aussi bien à l’initiative de l’employeur ou du salarié dans le délai prévu, mais que celle-ci doit être écrite et de préférence adressée en recommandé pour éviter toute contestation.
Une fois les 15 jours passés et la rupture reçue par la Direccte, celle-ci dispose d’un autre délai de 15 jours (ouvrables cette fois) pour examen et approbation ; l’accord est considéré comme acquis si la Direccte ne se manifeste pas avant la fin effective du délai.
Si la Direccte refuse la demande de rupture conventionnelle, deux situations peuvent survenir : soit le salarié devra considérer son contrat de travail comme étant rompu, soit il devra fournir des informations complémentaires à l’organisation pour un second examen.
Et maintenant ?
Une fois l’homologation terminée, la rupture est officiellement acceptée ! En principe, le contrat se termine au jour fixé par la convention : celui-ci peut donc intervenir dès l’acceptation ou à une date fixée par écrit entre l’entreprise et le salarié. Si une telle date n’est pas indiquée, rien n’empêche alors le salarié de quitter son travail sans autre forme de préavis. Avant le départ du salarié, l’employeur devra également prendre soin de lui remettre son certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un reçu pour solde de tout compte.
En plus des indemnités (soumises au même régime fiscal que les indemnités de licenciement), le salarié peut prétendre aux indemnités chômage, à l’instar des ASSEDIC. Le droit individuel à la formation (DIF) reste toujours acquis à la hauteur des titres et peut donc en bénéficier auprès de son nouvel employeur (sous son acceptation), ou auprès de Pôle Emploi (bilan de compétence, Validation des Acquis et de l’Expérience).
Le cas des Prud’hommes : la validité de la rupture conventionnelle
Même une rupture conventionnelle homologuée n’est pas légale : elle est donc susceptible d’être contestée en tant que litige et, à cet égard, il faudra donc s’adresser au Conseil de Prud’hommes. Attention toutefois : le délai de recours n’est que de 12 mois à compter de la date de l’homologation par l’administration, ne tardez pas si vous avez un doute.
Plusieurs motifs peuvent justifier l’annulation d’une rupture conventionnelle. Par exemple, une indemnité insuffisante aux regards des minimums légaux ou conventionnels sera considéré comme un motif recevable, même s’il n’est pas automatique (arrêt n°14-10139 de la Cour de Cassation, 2015). La fraude et le vice de consentement représentent, quant à eux, les deux seuls motifs pouvant conduire à l’annulation d’une telle rupture.
Dans ce cas, il est à noter que toutes les sommes perçues par le salarié doivent être restituées à l’employeur (arrêt n°16-15273 de la Cour de Cassation, 2018).